Aspects expérimentaux de la gaine de plasma associée à l’émission d’électrons secondaires
Par nature, un plasma est composé de particules chargées qui, en réponse aux champs électromagnétiques qu’elles génèrent ou qui leur sont appliqués, présentent des comportements collectifs dont résulte la quasi-neutralité sur des échelles spatiales supérieures à la longueur de Debye. Cette propriété s’effondre lorsque le plasma rencontre une frontière solide où une gaine non neutre se forme à des échelles de quelques longueurs de Debye et, potentiellement, a un impact profond sur la dynamique globale, c’est-à-dire loin des frontières.
La dynamique des ions et des électrons, en raison de leur différence de masse, évolue à différentes échelles temporelles en présence de gaines, qui peuvent être les limites du dispositif dans les expériences de laboratoire ou des corps solides dans les contextes astrophysiques. Des phénomènes physiques multi-échelles émergent en particulier là où la gaine est formée. La physique des gaines de plasma présente un intérêt majeur dans les domaines de l’astrophysique de laboratoire et de la fusion par confinement magnétique (tokamaks,…). De nombreuses études ont été consacrées à la compréhension des gaines de plasma dans différentes configurations [1]. La situation se complique encore en présence de champs magnétiques ou d’émission d’électrons par la surface. En présence de surfaces qui émettent des électrons, soit par émission secondaire, soit par émission thermionique, la physique de la gaine est profondément modifiée. La modélisation et les simulations numériques prédisent une « gaine inverse » dont l’observation expérimentale reste difficile [2-4]. Dans ce contexte, l’objectif à long terme de la thèse est d’améliorer la comparaison entre les modèles et les expériences concernant la gaine magnétique d’une surface émettant des électrons. Les modèles et les expériences seront réalisés et comparés au laboratoire PIIM et chez ses partenaires par deux doctorants.
Les échelles spatiales impliquées dans les gaines de plasma et la rupture de la quasi-neutralité font qu’il est approprié d’utiliser des diagnostics de fluorescence induite par laser pour mesurer la fonction de distribution de la vitesse des ions le long de la pré-gaine et de la gaine. Ce diagnostic non intrusif déjà mis en œuvre et maîtrisé au PIIM [5] sera utilisé à proximité d’une surface métallique à un potentiel flottant pour confirmer les résultats des simulations numériques menées par nos partenaires. Malgré quelques artefacts [6], sa définition spatiale est de l’ordre de 0,1 mm, ce qui permet de résoudre spatialement la structure de la gaine (qui s’étend sur environ 1 mm dans notre expérience). La source de plasma, un dispositif multipolaire, crée un plasma d’argon quiescent avec deux populations d’électrons : une population énergétique ionisante émise par les filaments et une population à température électronique plus froide, qui est la population du plasma électronique central.
Diverses expériences seront réalisées et comparées aux théories développées dans le cadre d’un projet de doctorat distinct, par un autre doctorant financé par la même bourse de recherche :
– Explorer la collisionnalité de la physique de la gaine, qui est omniprésente dans la nature et dans les expériences, en modifiant la pression neutre.
– Mesures de la structure de la gaine d’une surface thermionique émettant des électrons (céramique chauffée LaB6)
– Mesures de la structure de la gaine dans le cas de surfaces ayant des taux d’émission d’électrons secondaires élevés, en mettant l’accent sur l’observation d’une structure de gaine « inverse ».
– Explorer l’effet des champs magnétiques sur la structure de la gaine, dans des régimes où seuls les électrons sont magnétisés. L’influence de l’angle entre la surface et le champ magnétique est connue pour être un facteur clé [7].
– Réaliser des expériences dans une colonne de plasma magnétique linéaire [8]
Les données expérimentales sur les plasmas à gaine émissive seront comparées aux résultats théoriques et numériques du laboratoire du PIIM.
Le travail de thèse sera pertinent à la fois pour les propulseurs spatiaux [9] et les plasmas de laboratoire tels que dans un plasma non magnétique à basse température [5] et dans une colonne de plasma magnétique linéaire [10] du PIIM.
Ce travail expérimental pourrait servir de base à la compréhension de la gaine magnétique où les ions sont magnétisés, comme c’est le cas dans les dispositifs de fusion.
L’étudiant doit avoir des connaissances de niveau master en physique des plasmas et en physique expérimentale pour réaliser des expériences avec le laser et comparer les résultats avec les calculs théoriques.
La thèse sera réalisée dans le cadre d’un financement A*MIDEX et d’une collaboration entre le PIIM, le Laboratoire de Physique de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (LPENSL) et les laboratoires Laplace pour la partie théorique. La thèse se déroulera principalement au PIIM à Marseille mais le futur étudiant devra se rendre régulièrement à Lyon au LPENSL.
La thèse sera dirigée par N. Claire (PIIM) et N. Plihon (LPENSL) et sera encadrée par M.Muraglia (PIIM), G. Fubiani (Laplace) et O. Agullo (PIIM) pour les comparaisons théoriques.
@ : nicolas.claire@univ-amu.fr et nicolas.plihon@ens-lyon.fr
Références
[1] R. N. Franklin, J. Phys. D: Appl. Phys. 36, R309 (2003)
[2] V. Pigeon et al, Phys. Plasmas 27, 043505 (2020)
[3] M. D. Campanell, Phys. Rev E 88, 033103 (2013)
[4] D. Coulette et al, Phys. Plasmas 22, 0043505 (2015)
[5] N. Claire et al, Phys. Plasmas 13, 062103 (2006)
[6] V. Pigeon et al, Phys. Plasmas 26, 023508 (2019)
[7] P. C. Stangeby, Phys. Plasmas 2, 702 (1995)
[8] N. Claire et al, Phys. Plasmas 25, 061203 (2018)
[9] NA.L. Ortega et al, Plasma 3, 550 (2023)